Étoffes d’un héros
Même s’il est costume… euh coutume de dire que l’habit ne fait pas le moine, il est important de soigner son apparence, y compris lorsque l’on est un personnage de BD.
Qu’on se rassure, côté look, Tintin a toujours su faire preuve de bon goût et d’élégance – et ce, quelles que soient les circonstances. Des basiques de son dressing aux pièces remarquables de son incroyable collection de pardessus, on vous dit tout sur le style vestimentaire du jeune héros.
Pratique et trompeur
Protéger les corps des aléas climatiques (rayons du soleil, courant d’air, humidité, froid, etc.) tout en minimisant leur dépense énergique, telle est la vocation première du vêtement. Raison pour laquelle il a toujours été confectionné comme une « seconde peau ».
Mais au-delà de son aspect basiquement pratique, il va très vite revêtir une toute autre signification, au point de devenir un support de communication à part entière et d’établir, de ce fait, un langage codé. Le vêtement est effectivement interprété – plus souvent qu’à son tour, d’ailleurs – comme l’extension ou le reflet symbolique de l’individu qui le porte.
Et s’il est perçu en tant que tel, c’est parce qu’il donne des indices quant au sexe, à la condition sociale, au milieu professionnel, aux goûts esthétiques, aux centres d’intérêt, etc. de son propriétaire. Voilà pourquoi il est si difficile de ne pas tenir compte de ce « double identitaire » dans les relations interpersonnelles, bien qu’il soit rarement fiable à 100%.
Comme le dit l’adage, les apparences sont trompeuses. Elle le sont souvent même… et ce n’est pas Haddock qui dira le contraire. Ce dernier en fait l’expérience dans Vol 714 pour Sydney, lorsqu’il rencontre, pour la première fois, Laszlo Carreidas car l’homme – un magnat de l’aéronautique, pourtant riche à souhait – ne laisse rien paraître de son statut. Pire même, puisque son accoutrement terne et froissé fait instantanément penser au capitaine qu’il s’agit là d’un sans-le-sou. Pour Hergé, c’est une manière comique car déguisée de souligner la pingrerie de ce personnage singulier.
Classe journalistique oblige
D’aucuns le savent, la profession de reporter n’est pas de tout repos. Elle nécessite, en effet, d’être en permanence sur le qui-vive et dans l’action. Sur le terrain, également. Or qui dit virées en extérieur, dit tenues correctes adaptées.
De fait, pour s’accorder avec les contraintes de son métier et disposer aussi d’une liberté totale de mouvements, Tintin a spontanément adopté un style vestimentaire que l’on pourrait qualifier de « smart casual ». C’est-à-dire, mi-dandy, mi-sportman.
Mais plus que le style, c’est la régularité dans le choix de ses tenues qui fait véritablement sa touche personnelle. Et s’il suit cette répétitive tendance à porter presque quasi quotidiennement la même chose – comme le font souvent les grands hommes, d’ailleurs –, c’est pour faire de son look une signature visuelle qui contribue à son identification instantanée par les lecteurs.
Bien sûr, il cultive cette image de marque autant que faire se peut, c’est-à-dire à chaque fois que le temps le lui autorise. Dans ce cas, il est soit en bras de chemise (souvent blanche ou jaune), soit en pull bleu à manches longues ou retroussées qu’il assorti à des culottes de golf ou à des pantalons longs.
Et lorsque la pluie et le vent font leur apparition, il enfile volontiers un blazer brun, cintré dans le dos, ou son iconique trench beige. A moins qu’il ne décide de porter les deux… en même temps ! Si ses lecteurs sont habitués à le voir vêtu de la sorte, il n’est pas rare, non plus que, lorsque les températures chutent, ils le découvrent emmitouflé de la tête au pied.
Des manteaux pour l’hiver
Pour ce qui est des conditions climatiques, les saisons ont souvent bien moins d’importance que la géographie des lieux où se trouve Tintin puisqu’elle souffle – littéralement parlant – le chaud et le froid sur ses aventures. Si bien que, lorsqu’il est chaudement vêtu, on sait d’emblée qu’il investigue dans des contrées tutoyant les pôles ou, tout du moins, situées à de hautes latitudes et/ou altitudes.
Heureusement pour lui, la mode hivernale masculine est riche de modèles et de formes. Voici donc venir un défilé des coupes (de la plus courte à la plus longue) qu’il privilégie…
Le blouson dans toutes ses déclinaisons
Avec son ouverture intégrale à fermeture éclair et ses larges bandes élastiques à la taille et au poignet, ce confortable manteau brun à col montant est idéal pour ses activités décontractées de type balade en forêt.
Généralement fait de cuir ou de similicuir, ce manteau court, renforcé, ouvrant sur le devant par un système de fermeture éclair, est le parfait compagnon de ses virées en deux-roues motorisés. Car en plus d’être un accessoire de mode stylé, c’est aussi un indispensable équipement de sécurité.
Mis au point par le parachutiste américain Leslie Leroy Irvin dans les années 1920, le blouson aviateur – également « flying jacket » – est un vêtement technique conçu pour isoler thermiquement celui qui le porte. Rappelons qu’à l’époque, les avions ne disposaient pas de cockpit pressurisé. De fait, les pilotes pouvaient être exposés à des températures extrêmes pouvant atteindre les -60°C. Ce qui explique qu’il soit constitué de cuir épais et d’une peau de mouton retournée. Il va de soi que Tintin le porte surtout lors de missions de haut vol comme celle, par exemple, qui s’est déroulée dans l’espace aérien soviétique.
Quelques années plus tard, dans l’Etoile mystérieuse, il arbore une variante enfilable à capuche qui, du fait de sa couleur, pourrait être dite « d’exploration » ou « d’aventure ». A noter, au passage, que le jeune héros dispose également des moufles et des bottes fourrées assorties.
L’anorak à capuchon
A la fois imperméable et coupe-vent, ce manteau enfilable d’origine inuite est coupé court de façon à ne pas gêner les mouvements – souvent plus larges – lors des activités physiques intenses. De fait, il est très apprécié des sportifs passionnés de sports d’hiver. Et parce qu’il est doublé de fibres chaudes tissées très serrées, il est parfaitement isolant. Une bonne nouvelle pour Tintin car au Tibet, en plus des températures glaciales, il doit également supporter des cris de bête qui font froids dans le dos.
La parka fourrée
Si à Rome il est recommandé de faire comme les Romains, en zone arctique, mieux vaut prendre exemple sur les Inuits ! Aussi, pour se protéger des froids polaires, Tintin revêt une parure traditionnelle taillée dans une peau de bête non épilée. Ce manteau ample est constitué d’une double fourrure : l’une tournée vers l’intérieur, l’autre tournée vers l’extérieur. Un principe de confection fort astucieux puisqu’il permet de récupérer et de mettre à profit la chaleur naturellement émise par le corps.
Le ciré marin
Autre manteau technique par excellence : la vareuse de navigation hauturière mise au point et utilisée par les professionnels de la mer. Tout aussi étanche que chaude, elle protège son porteur des conditions maritimes difficiles. Et si elle arbore la couleur vive qu’on lui connaît, c’est pour permettre aux secours de repérer plus facilement son propriétaire qui serait éventuellement tombé à l’eau ou égaré dans une tempête. Dans l’Etoile mystérieuse, Tintin l’enfile s’en hésiter pour rejoindre le capitaine Haddock qui se débat sur le pont, comme un beau diable, pour sortir l’Aurore de la tourmente.
Le poncho
Grande pièce de tissu rectangulaire, dépourvue de manches et percée en son centre par un orifice, le poncho évoque immanquablement l’Amérique Latine et les hauts reliefs de la Cordillère des Andes – dont il est originaire. Surtout s’il arbore ses motifs traditionnels et ses couleurs locales. Ce qui est le cas de celui porté par Tintin, lors du périple qui le conduit jusqu’au Temple du Soleil. Ce lainage ample et souple permet au jeune héros d’affronter – sans encombre – la neige et le « froid de canard » (Haddock dixit) qui règnent sur les montagnes incas.
La chouba militaire
Aussi long et couvrant qu’un « cache-poussière » de cowboy américain, ce manteau en laine fourré vers l’intérieur vise à protéger toutes les parties du corps des froids mordants venus de Sibérie. Pour Tintin, c’est surtout le déguisement idéal pour passer incognito au milieu de l’ennemi. Et cerise sur le chapeau… euh gâteau, puisqu’il se fond totalement dans le décor en le portant avec une Papakha, le couvre-chef cylindrique en fourrure de mouton typique des pays de l’Est.
De fil en aiguille, nous sommes arrivés au terme de cette parade de mode, haute en couleur. C’est donc sur ce blanc manteau que se referme ce dossier.